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Lucie Lajudie

L’abbaye de Saint Paul, qui était autrefois une abbaye de femmes, est aujourd’hui un lieu où plusieurs époques se parlent. Détruits à plusieurs reprises puis reconstruits, les divers bâtiments qui ont passé les siècles offrent une écriture en filigrane de l’histoire du site. Chaque espace ouvre un monde, chaque pièce est habitée. Ici, le visible et l’invisible se côtoient, s’entrelacent, dansent ensemble. 

Cascade est une sculpture textile faite en organza teint à la main. Ce tissu a une transparence qui permet de travailler la superposition de motifs et d’obtenir différentes intensités de couleurs. La rosace a été peinte sur du tissu réfléchissant à l’aide d’un champ magnétique. Les motifs de la cascade, amples au départ, s’affinent au fil de la descente pour se réorganiser en lignes fines autour du champ magnétique. La structure générale est faite en grillage et fils de fer. 

J’ai tout d’abord installé la cascade dans les anciennes cuisines. L’eau s’engouffre par les fenêtres et vient se jeter sur 4,5 mètres de hauteur pour prendre place dans la pièce. C’est comme un arrêt sur image. Le temps y est suspendu.

Amélie a pris des photographies de cette installation, de jour et de nuit, avec des éclairages différents, que nous avons ensuite projetées sur le portail abbatial. 

Ce portail, c’est tout ce qu’il reste de l’abbaye du XIe siècle. Il est la porte d’entrée de l’ancienne église. Il comportait trois portes. Deux d’entre elles sont encore visibles, la troisième se devine. Quelques mètres plus haut trônait une rosace, principal puits de lumière de l’église. La rosace a disparu, comme le reste de l’édifice. Mais le mur parle. 

Il évoque un lieu tout entier. On se tient devant et il semble que les pierres se recomposent. De ce portail aujourd’hui incomplet se dégage une présence invisible mais palpable. 

C’est un lieu de passage où se révèlent d’étonnantes correspondances. L’intérieur imaginé de l’église ouvre comme sur l’intérieur d’un être. Que se passe-t-il derrière le mur ? Que voit-on si l’on pousse la porte ? Si l’on passe le voile ? Si l’on entre à l’intérieur

 Je veux parler de ce qui se meut, coule, glisse et s’échappe, de tout ce qui est invisible et qui pourtant nous anime.

Pour moi c’est un flot. 

C’est de l’eau qui danse. 

Un élan vital sort de la porte centrale vers l’intérieur de l’église que l’on ne voit plus. 

L’eau jaillit et se déverse au sol. Dans son reflet, on peut voir l’ancienne rosace qui autrefois se tenait au-dessus des trois portes.

C’est l’histoire d’un mouvement intérieur qui s’élance pour aller rejoindre la fleur : la mémoire de la lumière.

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